L’énergie de fusion est un thème de recherche intensif et sera probablement une avancée majeure dans le domaine de l’accès à l’énergie pour le futur de notre société humaine.
La fusion m’a toujours intéressée. Depuis bien longtemps, je pense que c’est grâce à cette “technique” que nous ferons un énorme bond en avant. Les énergies fossiles nous polluent et ne sont pas inépuisables. Les nouvelles formes d’énergie (le photovoltaïque, les éoliennes …) nous laissent dans l’expectative. Peuvent-elles répondre à notre énorme demande ? Le nucléaire, qui s’en charge en grande partie aujourd’hui génère des déchets très dangereux, de même que la sécurité des centrales nous inquiète.
En faisant une petite recherche sur internet, j’ai trouvé l’autre jour ce livre de Alain Bécoulet, L’Energie de fusion.
Il est passionnant. Pas toujours facile d’accès, il permet cependant d’avoir une image plus sérieuse de ce domaine, des avancées et même du planning de mise en place des premiers réacteurs (ne soyez pas pressé, ce n’est pas vraiment pour demain).
L’énergie de fusion d’Alain Bécoulet se compose de trois parties principales.
Qu’est-ce que l’énergie de fusion ?
Tout d’abord, l’explication de la fusion en tant que principe physique lui-même. Ces pages permettent de comprendre tout un tas de principes théoriques de base. Après des rappels sur ce qu’est le “travail”, la “puissance”, les différentes énergies (cinétiques, gravitation), c’est au tour des notions particulièrement impliquées dans la fusion d’être expliquées : atomes, électrons, les forces nucléaires, interactions fortes et faibles, interaction électromagnétique … Ces grandes notions sont extrêmement bien expliquées. J’ai presque tout suivi si ce n’est l’interaction faible qui je l’avoue m’a échappée.
Alors, qu’est-ce que la fusion telle qu’expliquée dans ce livre ? C’est ce qui fait briller nos étoiles et notre soleil. Et nous, humains toujours plein d’initiatives, aujourd’hui (ou plutôt depuis déjà 60 ans) nous cherchons à miniaturiser ces réactions afin de produire de l’énergie.
L’énergie de fusion peut être classifiée dans les énergies dites “nucléaires”. Celle que nous utilisons aujourd’hui se base sur la fission d’atomes. Des “gros” atomes que nous cassons. L’énergie de fusion, elle, se base donc, comme son nom l’indique, sur la fusion de “petits” atomes. Les plus petits possibles donc l’hydrogène.
Ce n’est quand même pas si simple. Le processus met en jeu des éléments tels que les isotopes de l’hydrogène, deutérium, tritium et cela génère de l’hélium et des neutrons.
Comme vous vous en doutez, le soleil est très très chaud. Pour être capable sur notre petite planète de reproduire cela, il nous faut construire des sortes de réacteurs où cette chaleur de plusieurs millions de degrés permettra que la réaction de fusion puisse avoir lieu.
La fusion : comment construire un réacteur ?
La deuxième partie du livre est bien plus technique.
Elle aborde les différents problèmes auxquels les ingénieurs et scientifiques doivent faire face afin de construire un réacteur à fusion. Et ce n’est pas simple ! Je ne vais donc rentrer dans aucun détail. J’en retiens juste le fait que des dispositifs sont en cours d’élaboration, tels que le tokamak ou le stellarator.
En effet, créer le processus de fusion est complexe, faisant appel au plasma, à son confinement magnétique. Dans certains cas des phénomènes perturbent les réactions de fusion telles que les disruptions (une perte de confinement) ou des instabilités magnétohydrodynamiques. Ce dernier terme ouvre une grande discussion sur les phénomènes de turbulence dans le plasma et le besoin de les modéliser. Dans mes rares souvenirs de fac, les équations non linéaires permettant de décrire ces phénomène ne peuvent être résolues et il faut donc faire appel à des supers calculateurs pour les modéliser.
A travers toute cette partie, on comprend pourquoi la fusion n’est pas encore en production à ce jour. Les techniques demandent encore des recherches approfondies. Un des challenges étant d’avoir un rapport positif entre l’énergie émise par un réacteur à fusion et l’énergie dépensée pour réussir à maintenir une réaction de fusion sur le long terme. Car avoir une température de plusieurs millions de degrés, cela demande quand même un apport énergétique non négligeable.
Où en sont les projets de recherche de la fusion ?
C’est dans la troisième partie du livre L’Energie de fusion que l’auteur, Alain Bécoulet, directeur de recherche au CEA, nous parle du projet international ITER. Ce projet, avec la construction d’un impressionnant tokamak expérimental, en France, doit permettre de démontrer la faisabilité de construire un réacteur à une échelle permettant sa rentabilité.
Ce projet est fascinant. Les enjeux économiques, politiques, scientifiques, techniques, l’organisation internationale nous démontre que cet immense chantier pourra être, s’il aboutit, un de ces grands défis scientifique voir historique relevé par l’humanité.
La fusion: un si grand potentiel ?
La fusion est, tout comme la fission, une énergie qualifiable de “nucléaire”. Cependant, ce terme n’a plus uniquement le sens scientifique aujourd’hui. Dans notre esprit, l’énergie nucléaire est par essence dangereuse. La grande différence de la fusion est qu’elle ne peut pas s’emballer. Au contraire, on perçoit bien à travers toutes les pages du livre, qu’un des plus grand problème est de maintenir la réaction de fusion. Donc, un réacteur à fusion ne pourra pas exploser et créer alors un immense nuage toxique tout comme Tchernobyl ou une forte contamination comme Fukushima.
Pour réaliser la fission, nous avons besoin d’atome lourd, tel que l’uranium. Nous créons des déchets nucléaires qui restent radioactifs durant des centaines voir des milliers d’années. Ils nous polluent d’une manière catastrophique aujourd’hui. La fusion, elle, ne crée pas de déchet. Elle produit de l’hélium . Elle peut cependant demander une alimentation en tritium, qui est radioactif et est produit par les centrales actuelles. Mais une des voies de la recherche actuelle est justement d’avoir des réacteurs à fusion que s’en auto-alimente.
Les composants de départ pour alimenter les réacteur à fusion sont le deutérium, un isotope de l’hydrogène, et potentiellement le tritium (voir ci-dessus). Il faut aussi des composants spécifiques pour la construction des réacteurs tels que le lithium ou le graphène.
Tous ces composants sont disponibles en abondance sur toute la planète.
Ainsi, l’énergie de fusion, si nous parvenons à rendre rentable les réacteurs, pourra fournir une énergie électrique quasiment illimitée et sans déchet. Cela parait aujourd’hui un chemin incontournable pour avoir enfin une énergie durable qui remplacera l’électricité fournie par les centrales nucléaires actuelles.
Cependant, plusieurs points freinent cette vision idéaliste.
Quand et comment la fusion révolutionnera notre mode de vie ?
La fusion est une technologie de pointe. Elle demande d’énormes investissements. Ainsi, lorsque nous pourrons mettre en marche les premiers réacteurs, je ne suis pas certaine qu’elle fournira immédiatement et universellement de l’électricité gratuite et en abondance. Il va falloir déployer des centrales, des ingénieurs pour les faire tourner, les surveiller. Revenir aussi sur les énormes investissements.
Et puis, comme d’ailleurs cela est bien expliqué dans le livre, l’électricité, il faut la faire parvenir partout où nous avons besoin d’elle. Lignes à haute tension en particulier.
Aura-t’on une électricité gratuite, illimitée ? Même si les composants de base sont eux gratuits, ou presque, je pense que vu le mode de fonctionnement de nos sociétés actuelles, les fournisseurs en électricité ne vont pas faire chuter les tarifs en quelques jours. A terme, oui, peut-être, mais le système d’investissement va certainement freiner cela. Tout du moins dans un premier temps. C’est une vison personnelle du problème et j’espère me tromper.
A travers tout ce livre, nous nous rendons compte qu’il va falloir être patient. Arriver à des réacteurs performants et commercialisables, ce ne sera peut-être pas avant la fin du siècle. Or, comme nous le constatons en ce moment, la crise climatique semble s’emballer et l’environnement se porte de plus en plus mal. La bascule vers l’énergie de fusion se fera t’elle à temps par rapport aux énergies fossiles ? Permettra t’elle à temps de baisser nos productions de CO2 ? La fin du siècle parait bien lointaine !
Par ailleurs, cette nouvelle technique de production de l’électricité ne peut résoudre tous les problèmes de pollution ou ceux liés à la biodiversité. Imaginons tout notre parc automobile fonctionnant à l’électricité. Comment allons-nous recycler toutes les batteries de voiture actuellement si polluantes ? D’un autre coté, utiliser plus le train pour le transport de marchandises par rapport aux camions serait déjà une merveilleuse avancée. Mais transformer le transport maritime avec des bateaux n’utilisant plus le pétrole pour avancer ? Qui sait ? Peut-être ce type de changement arrivera avec la fusion. Ce processus sera t’il générateur de tout un panel d’inventions et d’applications dont nous n’avons pas encore idée aujourd’hui ?
Si la fusion apporte à la fin de notre siècle et surtout dans les années qui suivront une réponse à notre demande croissante énergétique, il reste cependant une grande question. Qu’allons-nous faire de cette nouvelle révolution ? Plus d’énergie, plus de production, plus de fabrication ? Pour les plus de 10 milliards d’habitants de la planète. Serons-nous alors assez sages pour ne pas profiter de cette nouvelle aubaine pour appauvrir encore plus la planète ? Certes, les tomates de serre ne pollueront plus comme aujourd’hui. Mais je crains que nous ne profitions de cette abondance pour continuer encore et encore notre croissance si destructrice. D’ailleurs, lorsque nous voyons ce programme aujourd’hui de lancer 12000 satellites, dans l’état actuel du climat, ce type de projet ne peut que laisser dans le plus grand scepticisme par rapport à notre avenir. Par rapport à notre gestion de l’énergie et des ressources.
A moins que …
Ces prochaines décennies vont être difficiles à surmonter. Et nous allons apprendre, tout du moins je l’espère. Car chaque épreuve peut permettre d’acquérir des connaissances en y faisant face. Ainsi, à la fin du siècle, peut-être, lorsque l’humanité aura fait face au changement climatique, sera-elle plus mature et saura quoi faire avec l’énergie de fusion. Un avenir plus sensé et constructif.
Note: vu la complexité du sujet, merci à tout lecteur qui verra ici des erreurs dans les explications scientifiques de les signaler et je corrigerai.